Le livre, publié en octobre 2016, qui explique pourquoi on marche sur la tête…
Présentation en vidéo par l’auteur de ‘L’homme, cet animal raté-Histoire naturelle de notre espèce’ :
L’auteur a été pendant longtemps Directeur de recherche au Centre National de la Recherche Scientifique en éthologie et Directeur d’un laboratoire CNRS d’écologie. Avec ses collaborateurs, il a découvert 5 espèces d’oiseaux nouvelles pour la science, réussi le premier suivi au monde d’un oiseau par satellite et obtenu la création de la plus grande réserve naturelle de notre pays. Il a réalisé 5 documentaires animaliers et publié dans les revues internationales 230 articles scientifiques en écoéthologie des oiseaux & mammiféres ainsi que, depuis sa retraite, 5 livres de communication scientifique.
Extrait de la préface
- Jouventin considère qu’à l‘opposé de nombreux penseurs qui font l’apologie de l‘Homo sapiens, parce qu’il a asservi la nature, le fait que l’homme se soit détaché entièrement de la nature n’est pas une valeur positive, témoin de sa supériorité mais au contraire une preuve de son imparfaite animalité. Comme il l’écrit à juste titre : de « cette fracture entre l’animalité et l’écologie, qui caractérise notre espèce depuis seulement le néolithique [….] on peut en faire soit, comme on nous l’a appris une ode au progrès à la raison,[….] soit[….] un constat d’échec, l’homme devenant une locomotive sortie de ses rails, plus exactement un animal raté ».
Comme il l’écrit si bien plus loin: « Si nous étions vraiment raisonnables et savants, nous aurions évité de polluer un monde si accueillant, de tuer ou d’asservir les autres êtres vivants. Ce constat de bon sens est d’autant plus accablant que la solution qui s’éloigne était entre nos mains [….] Nous aurions facilement pu respecter notre environnement, les espèces qui nous entourent, en particulier nos cousins les grands singes et les derniers chasseurs-cueilleurs, éviter d’exterminer tout ce qui vit et les gens qui ne pensent pas comme nous [… ] Si seulement la population mondiale était régulée, tous nos problèmes présents et futurs seraient écologiquement résolus en quelques dizaines d’années puisque notre pression sur le milieu de vie redeviendrait faible et donc supportable indéfiniment. »
En conclusion, nous avons lu avec passion ce dernier ouvrage de Pierre Jouventin. En dépit du fait que certains ne manqueront pas de critiquer le profond pessimisme qui le sous-tend et qui soulève cette question incontournable : « L’humanité a-t-elle un avenir ? », nous considérons qu’il est marqué par le sceau incontestable de la rationalité scientifique et qu’il est impossible de critiquer sur des bases objectives les conclusions qui sont les siennes. Parfaitement conscient de son jugement très pessimiste sur la nature humaine et le devenir de notre espèce prise dans sa totalité, l’auteur fait remarquer avec pertinence la contradiction profonde propre à l’homme. Alors que son intelligence l’a conduite à un degré impressionnant de connaissance et de compréhension de l’univers, elle a adopté à l‘opposé un type de développement irréfléchi et inévitablement éphémère car il conduit inexorablement à un effondrement de notre civilisation, voire à sa disparition à l’image des Dinosaures, dans ses modalités actuelles. Cela est d’autant plus aberrant que le fait de contrôler sa natalité est une question de simple bon sens accessible à quiconque est doté de raison, ce qui permettrait rapidement, disons en deux à trois décennies (comme l’a montré le remarquable exemple de la Chine) à une stabilisation puis à une décroissance des populations humaines permettant une adéquation entre le nombre d’homme et les ressources qui leur sont nécessaires tout en maintenant dans son intégrité la biosphère et au-delà l’écosphère.
En tout état de cause, l’approche scientifique de cette question du destin de l’humanité qui sous-tend cet ouvrage conduit à ces conclusions certes pessimistes, mais que la rigueur intellectuelle impose de tirer, ce que l’auteur fait éloquemment, tant il est vrai que la solution d’un problème, quelle qu’en soit la gravité, implique au préalable une analyse rationnelle et sans complaisance de la situation, comme l’impose toute démarche scientifique. L’attitude personnelle de Pierre Jouventin s’oppose sur ce point à celle d’optimistes « médiatiques » dont les prises de position dans la presse, et dans leurs écrits, connaissent un vif succès dans l’opinion – songeons au succès d’ouvrages de climato-sceptiques tels ceux d’un certain C. Allègre – car ils sont perçus plus favorablement par le profane et ce d’autant plus qu’ils évitent d’évoquer les questions qui « dérangent ».
En définitive, nous nous devons de souligner à nouveau les remarquables qualités intrinsèques de cet ouvrage écrit sans complaisance, qui soulève bien des questions brûlantes de portée universelle telles celle d’une éthique du développement, fondée sur la conciliation d’authentiques progrès humain, tant matériels que spirituels, ayant fait table rase de la cupidité[1] sur laquelle se fonde trop souvent les comportements de nos sociétés, avec un usage modéré de la nature et de ses ressources ce qui assurerait la pérennité de la biosphère. Rédigé à partir d’une documentation bibliographique considérable, cet ouvrage dépasse dans les faits largement le cadre de la problématique scientifique qui en est le fondement. On ne peut qu’être impressionné à sa lecture non seulement par ses dimensions épistémologiques et au-delà par ses implications sociales et économiques pour l’avenir de la civilisation humaine, mais en outre par l’immense culture de son auteur, dont témoignent en particulier ses références fréquentes aux grands auteurs tant dans les domaines littéraires que philosophiques.
Nous sommes convaincu que cet ouvrage, qui constitue un authentique réquisitoire contre la façon dont l’humanité contemporaine fonctionne, connaîtra un grand succès au-delà des militants de la protection de la nature, parmi tous les autres lecteurs potentiels bénéficiant d’une formation supérieure qui se préoccupent des grands problèmes relatifs à la crise contemporaine de l’environnement.
Il existe heureusement de nos jours un nombre croissant de lecteurs qui refusent la « pensée unique » omniprésente dans le monde politique, dans les médias et chez bien des intellectuels « de service ». La « langue de bois » propre à cette dernière persévère en dernière analyse à expliquer que « tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes » et que les problèmes cataclysmiques à terme, propres à la crise écologique globale, se résoudraient spontanément par les vertus de l‘ultra-libéralisme et par celles du marché. Il importe à l‘écologue de montrer combien la situation actuelle est bien plus complexe et préoccupante. Surmonter cette crise implique une authentique révolution concernant l’ensemble des peuples du Monde, qui en sus d’un changement radical dans les comportements individuels en particulier relatifs à la natalité, bouleversera l‘organisation de la civilisation humaine contemporaine, constat absolu auquel conduit la lecture de cet ouvrage.
François Ramade, Professeur Emérite d’Ecologie à la Faculté des Sciences d’Orsay (Université de Paris-Sud), Président d’honneur de la Société Française d’Ecologie et de la Société Nationale de Protection de la Nature
[1] On pourrait lire à ce sujet le livre d’Alfred Stiglitz , Prix Nobel d’économie : « Le triomphe de la cupidité » ( traduction française : Les liens qui libèrent, 2010), qui montre à quelles catastrophes abyssales nous conduit un capitalisme financier libéré de toute contrainte, étranger et indiférent à la réalité vécue par l’ensemble de l’ Humanité.
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