En 1992, les premiers loups ayant franchi les Alpes ont été observés dans le Parc National du Mercantour. Leur venue était prévisible dans la mesure où environ 1 000 loups cohabitent depuis toujours avec l’Homme en Italie. Leur population augmente puisque le tir est interdit, cette espèce mythique attirant les touristes là-bas, en particulier dans le Parc National des Abruzzes aux portes de Rome. Ce qui était moins prévu, c’est la guerre psychologique et la confusion dans les débats qui sévissent en France.
La France est un pays d’exception où les chasseurs et les syndicats agricoles pour une fois d’accord estiment impossible la cohabitation avec le loup. Les élus de tous bords sont presque tous anti-loup alors que la population, d’après plusieurs sondages, est à 80% pro-loup, souhaitant la cohabitation. Comment expliquer ce paradoxe anti-démocratique ?
Les analyses ADN ont prouvé son origine italienne, mais Christian Estrosi affirmait que les écolos et même les gardes du Parc du Mercantour ont introduit les loups chez nous ! José Bové, éleveur de moutons devenu député européen Vert, réclamait un plan d’abattage et racontait dans ses interviews dans Midi-Libre que la majorité des loups français se sont croisés avec des chiens ce qui permet de les tirer alors qu’ils sont protégés par la loi en Europe et chez nous.
Evidemment c’est faux et manipulateur puisque ce mensonge enlève tout scrupule aux braconniers. L’ONCFS (aujourd’hui dans l’Office Français de la Biodiversité) a montré par analyse ADN que le taux d’hybridation avoisinait 5%. Le Directeur du Parc National des Cévennes a réclamé de même l’abattage au Ministère de l’Ecologie, à la demande des Maires qui constituent son Conseil d’Administration (et contre l’avis de son Conseil Scientifique), pour protéger le pastoralisme et ‘favoriser la biodiversité’ !
Il y a dans notre pays environ 600 loups alors qu’il y en eut 10 000. Ils posent surtout problème parce que les éleveurs avaient perdu le savoir-faire ancestral de la protection contre le loup qu’ils possédaient avant son éradication par des primes d’Etat, il y a un siècle. Cette culture s’est maintenue dans les autres pays de tradition pastorale comme l’Espagne, l’Italie, la Roumanie, la Turquie.
Ce n’est pas un animal de montagne comme on le croit mais un opportuniste : il occupe les terres abandonnées par l’agriculture, se nourrit des chevreuils trop nombreux chez nous qui abiment les plantations d’arbres et surtout des sangliers qui pullulent, nos chasseurs ne parvenant plus à les réguler et continuant légalement à les nourrir en hiver (‘agrainage’)…
En Europe, depuis 40 ans qu’on possède des données fiables, il n’a été signalé aucune attaque de loup sur l’homme mais chaque année on répertorie des dizaines de milliers de morsures de chiens se terminant parfois par la mort. Cette espèce sauvage est protégée par la Convention de Berne de 1979 mais Ségolène Royal, alors Ministre de l’écologie, a accru les ‘mesures de régulation’ mises en œuvre par le précédent gouvernement, créant une équipe officielle d’abattage des loups avec des ‘emplois-jeunes’…
Chaque année, le quota d’abattage augmente alors que la consultation par internet du Ministère de la transition écologique demande la réduction dans 80% des réponses… Il est passé en dix ans de 10% à plus de 20% de la population lupine qui va être bientôt recomptée avec l’accord du Ministre de l’Agriculture par les chasseurs-éleveurs qui trouvent le chiffre officiel de 600 trop faible…
Thierry Coste, le lobbyiste officiel de la Fédération Nationale de Chasse est un ami intime de notre président qui a accepté que la cotisation annuelle des chasseurs soit prise en charge par la collectivité… Il a même fallu que les grandes associations de protection de la nature (FNE, LPO, ASPAS) introduisent trois recours en justice pour empêcher les préfets trop zélés d’aller contre la loi…
Avant 1992, les centaines de milliers d’attaques de moutons étaient le fait des chiens divagants mais, depuis que des dédommagements généreux sont donnés par l’Etat pour le loup, ces attaques ne sont quasiment plus signalées… L’Administration a demandé aux techniciens chargés d’expertiser les animaux tués, d’être très accommodants et d’accorder les subventions en cas de doute : d’après la Cour des Comptes, 15% des attaques indemnisées sont dues au loup et 85% sont accordées au bénéfice du doute…
Les gros éleveurs, qui doublent ainsi leurs revenus, ne sont pas tenus par la loi d’appliquer les mesures de protection (chien de protection comme le patou + enclos de nuit si possible électrifié + gardiennage).
En Allemagne, les dédommagements ne sont attribués, après vérification, que si les moutons sont bien gardés… D’après les statistiques, la prédation sur les moutons est énorme dans notre pays : le taux de perte est de 22,5 % en France mais seulement de 1,3 % en Allemagne où les aides sont supprimées au bout d’un an si la protection n’est pas sérieuse.
Les troupeaux les plus attaqués sont ceux qui sont les moins gardés et les plus importants en nombre donc impossibles à protéger : 20% des élevages concentrent 60% des attaques… En effet la rentabilité économique du pastoralisme passe par l’augmentation du troupeau qui peut dépasser aujourd’hui 2 000 moutons, impactant la végétation et les sols par les piétinements.
Comme pour la ferme des 1 000 vaches, la qualité est sacrifiée à la quantité, l’écologie à l’économie. L’éleveur ne peut pas toujours payer un berger (ou tout simplement demander l’aide de l’Etat qui aide abondamment) et il considère parfois le dédommagement comme une subvention pour accepter la présence du loup… Ce qui ne l’empêche pas, souvent, de réclamer en même temps son éradication. Or un ouvrier, dont l’usine ferme pour la même raison de non-compétitivité face à l’étranger, ne peut pas crier au loup ! Cette difficulté à lutter contre la concurrence étrangère dans l’élevage ovin a toujours existé et bien avant le retour du loup. Pourquoi l’agneau congelé de n’importe quel supermarché vient-il non de France mais de Nouvelle-Zélande où la main d’œuvre est chère ? Parce que les herbages sont si vastes et si riches que le métier de berger n’y existe pas. Aussi et surtout parce qu’en 1985, les services secrets français ont coulé le Rainbow-Warrior, qu’il nous a fallu dédommager Greenpeace et encore plus le pays, en réduisant les taxes d’importation de la viande de mouton qui n’empêchent plus son entrée chez nous…
Ces mesures nous coûtent des dizaines de millions d’€ chaque année, mais les élus n’envisagent pas de les réduire en cette période d’austérité. Il est vrai que les loups ne votent pas, qu’il est même électoralement payant de subventionner les éleveurs qui étaient déjà en crise avant son arrivée et sont, il faut cependant le comprendre, souvent angoissés, bien que de plus en plus comprennent comment se défendre du loup.
La France du dernier demi-siècle a subi une mutation sociologique avec l’inversion du rapport ruraux/citadins. Aujourd’hui c’est l’inverse avec les néo-ruraux qui ne sont pas d’accord avec les chasseurs et les ruraux traditionnels qui s’éloignent de l’agriculture-élevage traditionnels pour se lancer dans les circuits courts et le ‘bio’. Curiosité de notre représentation électorale, alors que les urbains sont aujourd’hui largement majoritaires, les ruraux sont surreprésentés dans les instances électives, en particulier au Sénat.
A défaut de trouver un remède à la déprise agricole, il est plus facile pour un élu de donner des autorisations d’abattage de loup, même si elles sont inefficaces. Un ‘Plan-loup’ est coordonné par le Ministère de la Transition Ecologique : les associations écologiques refusent dorénavant d’y participer car leur avis de modération n’est pas pris en compte. Ce plan consiste à éliminer les loups, même s’ils n’ont jamais attaqué un troupeau.
Or d’après les spécialistes américains du loup, l’abattage des leaders, qui connaissent les techniques de chasse du gibier sauvage, fait éclater la meute et oblige les isolés à se rabattre sur les animaux domestiques plus faciles à attraper… En outre, ce couple dominant était seul à se reproduire dans la meute : quand elle éclate, les isolés s’éparpillent jusqu’à plusieurs centaines de km pour trouver un conjoint et fonder une autre meute, ce qui est en cours chez nous à l’étonnement des médias…
Comment comprendre qu’à notre époque, le loup soit traité, non comme un problème de biologie ou de gestion de la faune mais comme un thème sociétal ou même une stratégie démagogique et électoraliste pour acheter la paix sociale et les votes ? Plutôt qu’un démon, c’est un bouc-émissaire et Boris Cyrulnik le nomme à juste titre ‘le juif des animaux’. C’est aussi un indicateur des malaises sociaux : son image mythique enflamme l’imagination et éteint la raison quand le peuple s’inquiète et que le pouvoir faiblit. Sous Louis XV, on se souvient de la Bête du Gévaudan dont il n’est pas du tout certain qu’il s’agissait d’un loup. Certains historiens ont noté que cet épisode trouble précède de 30 ans la Révolution Française. Souhaitons qu’il n’en soit pas de même aujourd’hui.
En Europe, depuis 40 ans qu’on possède des données fiables, il n’a été signalé aucune attaque de loup sur l’homme mais chaque année on répertorie des dizaines de milliers de morsures de chiens se terminant parfois par la mort. Cette espèce sauvage est protégée par la Convention de Berne de 1979 mais Ségolène Royal, alors Ministre de l’écologie, a accru les ‘mesures de régulation’ mises en œuvre par le précédent gouvernement, créant une équipe officielle d’abattage des loups avec des ‘emplois-jeunes’…
Chaque année, le quota d’abattage augmente alors que la consultation par internet du Ministère de la transition écologique demande la réduction dans 80% des réponses… Il est passé en dix ans de 10% à plus de 20% de la population lupine qui va être bientôt recomptée avec l’accord du Ministre de l’Agriculture par les chasseurs-éleveurs qui trouvent le chiffre officiel de 600 trop faible…
Thierry Coste, le lobbyiste officiel de la Fédération Nationale de Chasse est un ami intime de notre président qui a accepté que la cotisation annuelle des chasseurs soit prise en charge par la collectivité… Il a même fallu que les grandes associations de protection de la nature (FNE, LPO, ASPAS) introduisent trois recours en justice pour empêcher les préfets trop zélés d’aller contre la loi…
Avant 1992, les centaines de milliers d’attaques de moutons étaient le fait des chiens divagants mais, depuis que des dédommagements généreux sont donnés par l’Etat pour le loup, ces attaques ne sont quasiment plus signalées… L’Administration a demandé aux techniciens chargés d’expertiser les animaux tués, d’être très accommodants et d’accorder les subventions en cas de doute : d’après la Cour des Comptes, 15% des attaques indemnisées sont dues au loup et 85% sont accordées au bénéfice du doute…
Les gros éleveurs, qui doublent ainsi leurs revenus, ne sont pas tenus par la loi d’appliquer les mesures de protection (chien de protection comme le patou + enclos de nuit si possible électrifié + gardiennage).
En Allemagne, les dédommagements ne sont attribués, après vérification, que si les moutons sont bien gardés… D’après les statistiques, la prédation sur les moutons est énorme dans notre pays : le taux de perte est de 22,5 % en France mais seulement de 1,3 % en Allemagne où les aides sont supprimées au bout d’un an si la protection n’est pas sérieuse.
Les troupeaux les plus attaqués sont ceux qui sont les moins gardés et les plus importants en nombre donc impossibles à protéger : 20% des élevages concentrent 60% des attaques… En effet la rentabilité économique du pastoralisme passe par l’augmentation du troupeau qui peut dépasser aujourd’hui 2 000 moutons, impactant la végétation et les sols par les piétinements.
Comme pour la ferme des 1 000 vaches, la qualité est sacrifiée à la quantité, l’écologie à l’économie. L’éleveur ne peut pas toujours payer un berger (ou tout simplement demander l’aide de l’Etat qui aide abondamment) et il considère parfois le dédommagement comme une subvention pour accepter la présence du loup… Ce qui ne l’empêche pas, souvent, de réclamer en même temps son éradication. Or un ouvrier, dont l’usine ferme pour la même raison de non-compétitivité face à l’étranger, ne peut pas crier au loup ! Cette difficulté à lutter contre la concurrence étrangère dans l’élevage ovin a toujours existé et bien avant le retour du loup. Pourquoi l’agneau congelé de n’importe quel supermarché vient-il non de France mais de Nouvelle-Zélande où la main d’œuvre est chère ? Parce que les herbages sont si vastes et si riches que le métier de berger n’y existe pas. Aussi et surtout parce qu’en 1985, les services secrets français ont coulé le Rainbow-Warrior, qu’il nous a fallu dédommager Greenpeace et encore plus le pays, en réduisant les taxes d’importation de la viande de mouton qui n’empêchent plus son entrée chez nous…
Ces mesures nous coûtent des dizaines de millions d’€ chaque année, mais les élus n’envisagent pas de les réduire en cette période d’austérité. Il est vrai que les loups ne votent pas, qu’il est même électoralement payant de subventionner les éleveurs qui étaient déjà en crise avant son arrivée et sont, il faut cependant le comprendre, souvent angoissés, bien que de plus en plus comprennent comment se défendre du loup.
La France du dernier demi-siècle a subi une mutation sociologique avec l’inversion du rapport ruraux/citadins. Aujourd’hui c’est l’inverse avec les néo-ruraux qui ne sont pas d’accord avec les chasseurs et les ruraux traditionnels qui s’éloignent de l’agriculture-élevage traditionnels pour se lancer dans les circuits courts et le ‘bio’. Curiosité de notre représentation électorale, alors que les urbains sont aujourd’hui largement majoritaires, les ruraux sont surreprésentés dans les instances électives, en particulier au Sénat.
A défaut de trouver un remède à la déprise agricole, il est plus facile pour un élu de donner des autorisations d’abattage de loup, même si elles sont inefficaces. Un ‘Plan-loup’ est coordonné par le Ministère de la Transition Ecologique : les associations écologiques refusent dorénavant d’y participer car leur avis de modération n’est pas pris en compte. Ce plan consiste à éliminer les loups, même s’ils n’ont jamais attaqué un troupeau.
Or d’après les spécialistes américains du loup, l’abattage des leaders, qui connaissent les techniques de chasse du gibier sauvage, fait éclater la meute et oblige les isolés à se rabattre sur les animaux domestiques plus faciles à attraper… En outre, ce couple dominant était seul à se reproduire dans la meute : quand elle éclate, les isolés s’éparpillent jusqu’à plusieurs centaines de km pour trouver un conjoint et fonder une autre meute, ce qui est en cours chez nous à l’étonnement des médias…
Comment comprendre qu’à notre époque, le loup soit traité, non comme un problème de biologie ou de gestion de la faune mais comme un thème sociétal ou même une stratégie démagogique et électoraliste pour acheter la paix sociale et les votes ? Plutôt qu’un démon, c’est un bouc-émissaire et Boris Cyrulnik le nomme à juste titre ‘le juif des animaux’. C’est aussi un indicateur des malaises sociaux : son image mythique enflamme l’imagination et éteint la raison quand le peuple s’inquiète et que le pouvoir faiblit. Sous Louis XV, on se souvient de la Bête du Gévaudan dont il n’est pas du tout certain qu’il s’agissait d’un loup. Certains historiens ont noté que cet épisode trouble précède de 30 ans la Révolution Française. Souhaitons qu’il n’en soit pas de même aujourd’hui.
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