Ces vidéos sur Darwin sont en cours de constitution : vous pouvez les retrouver sur ma chaîne Youtube …
.
Pierre JOUVENTIN, né le 1er décembre 1942 à Marseille, a été pendant 39 ans Directeur de Recherche CNRS en éthologie des oiseaux & mammifères et pendant 13 ans Directeur de Laboratoire CNRS d’écologie des animaux sauvages. Il est retraité de la fonction publique depuis 2008 consacrant son temps à des conférences, à l’écriture de livres de vulgarisation et à la création de contenu sur internet. Pierre Jouventin a effectué en 1969 un premier séjour de 14 mois en Terre Adélie pour étudier les oiseaux & mammifères marins, en particulier le manchot empereur. Puis il a effectué 20 missions en Antarctique-Subantarctique totalisant près de 9 ans sur le terrain. Il a soutenu un Doctorat d’Etat en sciences à l’Université de Montpellier en 1978 après des études de psychologie puis de biologie. Recruté comme chercheur au CNRS dans le laboratoire de Makokou au Gabon, il a étudié dans la forêt équatoriale pendant 5 ans un babouin, le mandrill. A la fermeture du laboratoire CNRS, il est revenu à la recherche antarctique pour mettre en place une banque de données démographiques de 20 espèces et plusieurs dizaines de milliers d’oiseaux marins qui, 40 ans plus tard, est toujours actualisée chaque année par ses anciens collaborateurs.
Son domaine de recherche concerne les stratégies de reproduction des oiseaux & mammifères, en particulier marins et antarctiques (écologie évolutive, démographie, communication, écologie comportementale, écoéthologie, biologie de la conservation). Avec ses collaborateurs, il a découvert plusieurs espèces d’oiseaux nouvelles pour la science (albatros, manchots, canard, pétrel) qui étaient confondues avec d’autres et qu’il a différencié par l’éthologie (colorations et chants) puis confirmé par la génétique. En 1990 a été publié le premier suivi au monde d’un oiseau par balise satellitaire, une technique devenue banale. Pendant près de 30 années, il a étudié expérimentalement les systèmes d’identification acoustique des animaux coloniaux (signatures vocales des manchots). Avec ses équipes de 1990 à 2000, il a réhabilité les îles Amsterdam & St Paul (Océan Indien) qui étaient dégradées par les bovins, rats et lapins introduits par l’homme.
Pierre Jouventin a dirigé plusieurs programmes internationaux pluridisciplinaires CNRS sur les ressources de l’Océan Austral. Comme Directeur du laboratoire d’écologie CNRS de Chizé, il a empêché sa fermeture en 1986 et en a fait le laboratoire d’excellence qu’il est toujours dans le cadre de l’Université de La Rochelle. Grace à Hubert Reeves, il a obtenu un rendez-vous avec la Ministre de l’écologie Nelly Ollin et l’a convaincue de créer en 2006 la réserve des îles australes incluant les îles Kerguelen (700.000 ha terrestres & 1.570.000 ha marins) qui a été classée en 2019 au Patrimoine Mondial de l’UNESCO. Comme expert de la faune, il a fait partie de la petite délégation française qui a entrainé les autres nations à mettre en réserve le continent antarctique jusqu’en 2048 au moins. Il a réalisé 6 documentaires animaliers au CNDP-SFRS (dont en 1990 avec Thierry Thomas Le paradoxe des empereurs, modèle de La marche de l’empereur) et a obtenu en 2001 le Grand Prix CNRS du Festival International du Film Scientifique pour son œuvre cinématographique. Deux fois lauréat de l’Académie des Sciences et Prix Cushman Murphy de la Colonial Waterbird Society, il a été Secrétaire Général de la Société Française d’Ecologie et Vice-Président de la Fédération Européenne d’Ecologie. Il a publié plus de 230 articles scientifiques originaux dans les revues scientifiques internationales à comité de lecture, un ouvrage aux USA sur la communication chez les manchots, 10 livres de vulgarisation depuis son départ à la retraite dont deux sur le darwinisme et ses retombées sociales. Il milite aujourd’hui pour la cause animale et contre l’anthropocentrisme, se consacrant à la réhabilitation du loup (mise en évidence de l’altruisme chez cette espèce et parenté avec ses descendants canins) ainsi que plus généralement à la gestion des animaux sauvages comme le sanglier. Il défend la thèse originale que le loup et l’homme sont proches parce que leurs niches écologiques, la chasse en équipe du gros gibier, étaient identiques jusqu’à la sédentarisation, ce qui explique leur mélange d’extrême agressivité et de sociabilité.
Ouvrages
Mai 2022 Darwin (presque) facile chez Delachaux et Niestlé.
2021 Le loup, ce mal-aimé qui nous ressemble chez humenSciences.
2020 L’homme, cet animal raté-Pourquoi nous détruisons la planète chez Libre & Solidaire (réédition augmentée)
2020 Guide d’éducation éthologique du chien chez Ulmer (avec Guillaume Richard)
2019 Ecologie du vivant-Regards croisés sur l’effondrement en cours chez Libre & Solidaire (avec Serge Latouche & traduit en italien)
2017 Why penguins communicate-The evolution of visual and vocal signals chez Academic Press-USA (avec Stephen Dobson)
2016 Les confessions d’un primate-Histoires de pingouins, de babouins et de sagouins chez Belin (réédition augmentée en livre de poche)
2014 La face cachée de Darwin chez Libre & Solidaire
2014 Trois prédateurs dans un salon : le chat, le chien et l’homme chez Belin
2012 Kamala, une louve dans ma famille chez Flammarion (Prix de l’Académie Vétérinaire & traduit en italien)
1982 Visual and vocal signals in penguins chez Paul Parey (traduit en japonais en 1992)
Trois articles parus dans la plus grande revue scientifique
1983. Discovery of a new albatross. Nature, 305 : 181 (Jouventin P. & Roux J.P)
1990. Satellite tracking of Wandering albatrosses. Nature, 343 : 746-748 (Jouventin P. & Weimerskirch H.).
2001. Mother’s voice recognition onset in fur seal pups. Nature, 412 : 873.(Charrier I., Mathevon N., Jouventin P.)
Cet article vous a intéressé et vous souhaitez le relayer : utilisez les boutons de partage ci-dessous....Loupstick loup-star
Où en est l’histoire de l’homme ?
Kamala louve qui devait être euthanasiée a été proposée par le directeur du zoo de Montpellier à Pierre Jouventin chercheur au CNRS sur le comportement des animaux. La famille l’a adoptée et elle a vécu avec eux, ce qui a permis de découvrir que l’entraide existe chez le loup ce qui était inconnu par la science ! ici les enfants de l’école maternelle du 20ème arrondissement de Paris interprètent l’histoire qui leur a été contée par leur éducatrice Martine Dubois.
Dans les Alpes-de-Haute Provence, Ingrid Briclot et André Morel vivent entre deux meutes de loups. En 2010, leur troupeau a été attaqué par le prédateur. Depuis, ils ont renforcé leurs moyens de protection : patous, clôtures… et n’ont plus subi de pertes.
Video « Nice Matin Solutions »
Interview donnée au Midi Libre
Pourquoi ce titre pour votre livre : L’homme, cet animal raté ?
Parce que notre espèce est incapable de s’adapter à long terme à son milieu comme le fait n’importe quel animal moins intelligent. Comme directeur de recherche au CNRS et comme directeur de laboratoire d’écologie, j’ai passé quarante ans à suivre les animaux sauvages dans la nature. Après avoir étudié de près une vingtaine d’espèces, passé plus de huit ans en Antarctique et sur les îles qui l’entourent, trois ans en forêt équatoriale au Gabon, j’ai voulu appliquer mes connaissances à l’animal le plus énigmatique, celui qui s’est « auto-domestiqué », comme disait Konrad Lorenz, c’est-à-dire à l’homme. Donc je l’étudie en naturaliste dans ce livre en appliquant les découvertes récentes en paléoanthropologie, génétique, écologie scientifique, éthologie…
À votre avis, si on mettait les êtres humains les uns contre les autres debout, quelle serait la surface géographique qu’ils occuperaient ?
Je ne sais pas.
On n’est pas loin de 8 milliards, et donc à quatre par mètre carré, ça tient dans le Lac Léman. Comment expliquez-vous que des quasi-bactéries qui tiennent dans le lac Léman aient réussi à foutre en l’air la planète aussi vite ?
C’est tout l’objet de mon livre. L’Histoire commence il y a quelques milliers d’années alors que notre espèce est vieille de 300 000 ans et la famille humaine de 2,5 millions d’années.
À partir de la révolution néolithique, il y a seulement 10 000 ans, on se sédentarise en passant à l’élevage et à l’agriculture. On change radicalement de mode d’exploitation de la nature et de démographie. Au lieu de faire un enfant tous les quatre ans, les femmes mettent au monde presque tous les ans.
Tous les animaux savent éviter de se trouver en surnombre et se régulent alors que, sur notre voiture, il n’y a pas de marche arrière. De nombreuses personnalités se rendent compte qu’on va dans le mur mais, collectivement, c’est le déni. Surtout par ceux qui nous dirigent et dont le mandat ne dépasse pas cinq ans.
Le système capitaliste est fondé sur la compétition. Si celle-ci est naturelle, il existe une autre force naturelle : la coopération. Aujourd’hui, le social, qui est indispensable à notre équilibre, est mis sur la touche et il ne reste que la compétition car elle rapporte. Et c’est pour cette raison que l’écologie est une science subversive, remettant en question un « développement infini dans un monde fini ».
[…]
Comment vivent les loups ? Quelles menaces représentent les loups ? Comment le loup a-t-il survécu à ses légendes ? Comment envisager un retour du loup ?
Et pour évoquer ce problème, cette peur ancestrale, nous avons le plaisir de recevoir aujourd’hui Pierre Jouventin, directeur de recherche CNRS en éthologie, auteur entre autre de « Kamala, une louve dans ma famille » chez Flammarion et nous sommes en duplex depuis les studios de nos camarades de Jean-Marc Moriceau, professeur d’histoire moderne à l’Université de Caen et président de l’Association d’histoire des sociétés rurales.
Interview donnée sur France Bleu le 17 Janvier 2017 : Les animaux dans les cirques
Les français, dans leur grande majorité, n’acceptent plus que les animaux soient utilisés dans les cirques. Le maire de Montpellier vient d’annoncer qu’à partir de 2019 sa ville n’accueillera plus de cirques avec animaux vivants. Montpellier vient ainsi grandir une liste de villes qui refusent cette aliénation des animaux. Invité de France Bleu Hérault mercredi 17 janvier, Pierre Jouventin, Docteur en éco-éthologie à l’université de Montpellier, spécialiste du comportement animal et membre de la Convention Vie et Nature, décrypte cette dynamique du refus qui ne peut que s’amplifier.
Cet article vous a intéressé et vous souhaitez le relayer : utilisez les boutons de partage ci-dessous....
En 40 ans comme Directeur de recherche CNRS en éthologie et 13 ans comme Directeur de labo CNRS d’écologie des animaux sauvages , j’ai étudié 20 oiseaux & mammifères et publié 230 articles scientifiques dans les revues internationales. Cette chaîne complète par des vidéos mes récents livres ‘grand public’ de retraité en donnant les bases de la biologie évolutive actuelle en commençant par Darwin. Il décrit la faune de l’Antarctique-Subantarctique où j’ai passé prés de neuf ans pour mes recherches, ainsi que la forêt équatoriale. Il décrit la cohabitation imprévue avec un loup et la découverte de l’altruisme. Il remet en question la gestion de la faune sauvage française et remplace les légendes sur le loup (et le sanglier) par les dernières données scientifiques qui prouvent le contraire de ce qu’on raconte.
Pour accéder à ma chaîne cliquez sur ce lien …https://www.youtube.com/channel/UCygAHaq2k7w9SjRTHPMV7pQ/about
En 1992, les premiers loups ayant franchi les Alpes ont été observés dans le Parc National du Mercantour. Leur venue était prévisible dans la mesure où environ 1 000 loups cohabitent depuis toujours avec l’Homme en Italie. Leur population augmente puisque le tir est interdit, cette espèce mythique attirant les touristes là-bas, en particulier dans le Parc National des Abruzzes aux portes de Rome. Ce qui était moins prévu, c’est la guerre psychologique et la confusion dans les débats qui sévissent en France.
La France est un pays d’exception où les chasseurs et les syndicats agricoles pour une fois d’accord estiment impossible la cohabitation avec le loup. Les élus de tous bords sont presque tous anti-loup alors que la population, d’après plusieurs sondages, est à 80% pro-loup, souhaitant la cohabitation. Comment expliquer ce paradoxe anti-démocratique ?
Les analyses ADN ont prouvé son origine italienne, mais Christian Estrosi affirmait que les écolos et même les gardes du Parc du Mercantour ont introduit les loups chez nous ! José Bové, éleveur de moutons devenu député européen Vert, réclamait un plan d’abattage et racontait dans ses interviews dans Midi-Libre que la majorité des loups français se sont croisés avec des chiens ce qui permet de les tirer alors qu’ils sont protégés par la loi en Europe et chez nous.
Evidemment c’est faux et manipulateur puisque ce mensonge enlève tout scrupule aux braconniers. L’ONCFS (aujourd’hui dans l’Office Français de la Biodiversité) a montré par analyse ADN que le taux d’hybridation avoisinait 5%. Le Directeur du Parc National des Cévennes a réclamé de même l’abattage au Ministère de l’Ecologie, à la demande des Maires qui constituent son Conseil d’Administration (et contre l’avis de son Conseil Scientifique), pour protéger le pastoralisme et ‘favoriser la biodiversité’ !
Il y a dans notre pays environ 600 loups alors qu’il y en eut 10 000. Ils posent surtout problème parce que les éleveurs avaient perdu le savoir-faire ancestral de la protection contre le loup qu’ils possédaient avant son éradication par des primes d’Etat, il y a un siècle. Cette culture s’est maintenue dans les autres pays de tradition pastorale comme l’Espagne, l’Italie, la Roumanie, la Turquie.
Ce n’est pas un animal de montagne comme on le croit mais un opportuniste : il occupe les terres abandonnées par l’agriculture, se nourrit des chevreuils trop nombreux chez nous qui abiment les plantations d’arbres et surtout des sangliers qui pullulent, nos chasseurs ne parvenant plus à les réguler et continuant légalement à les nourrir en hiver (‘agrainage’)…
En Europe, depuis 40 ans qu’on possède des données fiables, il n’a été signalé aucune attaque de loup sur l’homme mais chaque année on répertorie des dizaines de milliers de morsures de chiens se terminant parfois par la mort. Cette espèce sauvage est protégée par la Convention de Berne de 1979 mais Ségolène Royal, alors Ministre de l’écologie, a accru les ‘mesures de régulation’ mises en œuvre par le précédent gouvernement, créant une équipe officielle d’abattage des loups avec des ‘emplois-jeunes’…
Chaque année, le quota d’abattage augmente alors que la consultation par internet du Ministère de la transition écologique demande la réduction dans 80% des réponses… Il est passé en dix ans de 10% à plus de 20% de la population lupine qui va être bientôt recomptée avec l’accord du Ministre de l’Agriculture par les chasseurs-éleveurs qui trouvent le chiffre officiel de 600 trop faible…
Thierry Coste, le lobbyiste officiel de la Fédération Nationale de Chasse est un ami intime de notre président qui a accepté que la cotisation annuelle des chasseurs soit prise en charge par la collectivité… Il a même fallu que les grandes associations de protection de la nature (FNE, LPO, ASPAS) introduisent trois recours en justice pour empêcher les préfets trop zélés d’aller contre la loi…
Avant 1992, les centaines de milliers d’attaques de moutons étaient le fait des chiens divagants mais, depuis que des dédommagements généreux sont donnés par l’Etat pour le loup, ces attaques ne sont quasiment plus signalées… L’Administration a demandé aux techniciens chargés d’expertiser les animaux tués, d’être très accommodants et d’accorder les subventions en cas de doute : d’après la Cour des Comptes, 15% des attaques indemnisées sont dues au loup et 85% sont accordées au bénéfice du doute…
Les gros éleveurs, qui doublent ainsi leurs revenus, ne sont pas tenus par la loi d’appliquer les mesures de protection (chien de protection comme le patou + enclos de nuit si possible électrifié + gardiennage).
En Allemagne, les dédommagements ne sont attribués, après vérification, que si les moutons sont bien gardés… D’après les statistiques, la prédation sur les moutons est énorme dans notre pays : le taux de perte est de 22,5 % en France mais seulement de 1,3 % en Allemagne où les aides sont supprimées au bout d’un an si la protection n’est pas sérieuse.
Les troupeaux les plus attaqués sont ceux qui sont les moins gardés et les plus importants en nombre donc impossibles à protéger : 20% des élevages concentrent 60% des attaques… En effet la rentabilité économique du pastoralisme passe par l’augmentation du troupeau qui peut dépasser aujourd’hui 2 000 moutons, impactant la végétation et les sols par les piétinements.
Comme pour la ferme des 1 000 vaches, la qualité est sacrifiée à la quantité, l’écologie à l’économie. L’éleveur ne peut pas toujours payer un berger (ou tout simplement demander l’aide de l’Etat qui aide abondamment) et il considère parfois le dédommagement comme une subvention pour accepter la présence du loup… Ce qui ne l’empêche pas, souvent, de réclamer en même temps son éradication. Or un ouvrier, dont l’usine ferme pour la même raison de non-compétitivité face à l’étranger, ne peut pas crier au loup ! Cette difficulté à lutter contre la concurrence étrangère dans l’élevage ovin a toujours existé et bien avant le retour du loup. Pourquoi l’agneau congelé de n’importe quel supermarché vient-il non de France mais de Nouvelle-Zélande où la main d’œuvre est chère ? Parce que les herbages sont si vastes et si riches que le métier de berger n’y existe pas. Aussi et surtout parce qu’en 1985, les services secrets français ont coulé le Rainbow-Warrior, qu’il nous a fallu dédommager Greenpeace et encore plus le pays, en réduisant les taxes d’importation de la viande de mouton qui n’empêchent plus son entrée chez nous…
Ces mesures nous coûtent des dizaines de millions d’€ chaque année, mais les élus n’envisagent pas de les réduire en cette période d’austérité. Il est vrai que les loups ne votent pas, qu’il est même électoralement payant de subventionner les éleveurs qui étaient déjà en crise avant son arrivée et sont, il faut cependant le comprendre, souvent angoissés, bien que de plus en plus comprennent comment se défendre du loup.
La France du dernier demi-siècle a subi une mutation sociologique avec l’inversion du rapport ruraux/citadins. Aujourd’hui c’est l’inverse avec les néo-ruraux qui ne sont pas d’accord avec les chasseurs et les ruraux traditionnels qui s’éloignent de l’agriculture-élevage traditionnels pour se lancer dans les circuits courts et le ‘bio’. Curiosité de notre représentation électorale, alors que les urbains sont aujourd’hui largement majoritaires, les ruraux sont surreprésentés dans les instances électives, en particulier au Sénat.
A défaut de trouver un remède à la déprise agricole, il est plus facile pour un élu de donner des autorisations d’abattage de loup, même si elles sont inefficaces. Un ‘Plan-loup’ est coordonné par le Ministère de la Transition Ecologique : les associations écologiques refusent dorénavant d’y participer car leur avis de modération n’est pas pris en compte. Ce plan consiste à éliminer les loups, même s’ils n’ont jamais attaqué un troupeau.
Or d’après les spécialistes américains du loup, l’abattage des leaders, qui connaissent les techniques de chasse du gibier sauvage, fait éclater la meute et oblige les isolés à se rabattre sur les animaux domestiques plus faciles à attraper… En outre, ce couple dominant était seul à se reproduire dans la meute : quand elle éclate, les isolés s’éparpillent jusqu’à plusieurs centaines de km pour trouver un conjoint et fonder une autre meute, ce qui est en cours chez nous à l’étonnement des médias…
Comment comprendre qu’à notre époque, le loup soit traité, non comme un problème de biologie ou de gestion de la faune mais comme un thème sociétal ou même une stratégie démagogique et électoraliste pour acheter la paix sociale et les votes ? Plutôt qu’un démon, c’est un bouc-émissaire et Boris Cyrulnik le nomme à juste titre ‘le juif des animaux’. C’est aussi un indicateur des malaises sociaux : son image mythique enflamme l’imagination et éteint la raison quand le peuple s’inquiète et que le pouvoir faiblit. Sous Louis XV, on se souvient de la Bête du Gévaudan dont il n’est pas du tout certain qu’il s’agissait d’un loup. Certains historiens ont noté que cet épisode trouble précède de 30 ans la Révolution Française. Souhaitons qu’il n’en soit pas de même aujourd’hui.
En Europe, depuis 40 ans qu’on possède des données fiables, il n’a été signalé aucune attaque de loup sur l’homme mais chaque année on répertorie des dizaines de milliers de morsures de chiens se terminant parfois par la mort. Cette espèce sauvage est protégée par la Convention de Berne de 1979 mais Ségolène Royal, alors Ministre de l’écologie, a accru les ‘mesures de régulation’ mises en œuvre par le précédent gouvernement, créant une équipe officielle d’abattage des loups avec des ‘emplois-jeunes’…
Chaque année, le quota d’abattage augmente alors que la consultation par internet du Ministère de la transition écologique demande la réduction dans 80% des réponses… Il est passé en dix ans de 10% à plus de 20% de la population lupine qui va être bientôt recomptée avec l’accord du Ministre de l’Agriculture par les chasseurs-éleveurs qui trouvent le chiffre officiel de 600 trop faible…
Thierry Coste, le lobbyiste officiel de la Fédération Nationale de Chasse est un ami intime de notre président qui a accepté que la cotisation annuelle des chasseurs soit prise en charge par la collectivité… Il a même fallu que les grandes associations de protection de la nature (FNE, LPO, ASPAS) introduisent trois recours en justice pour empêcher les préfets trop zélés d’aller contre la loi…
Avant 1992, les centaines de milliers d’attaques de moutons étaient le fait des chiens divagants mais, depuis que des dédommagements généreux sont donnés par l’Etat pour le loup, ces attaques ne sont quasiment plus signalées… L’Administration a demandé aux techniciens chargés d’expertiser les animaux tués, d’être très accommodants et d’accorder les subventions en cas de doute : d’après la Cour des Comptes, 15% des attaques indemnisées sont dues au loup et 85% sont accordées au bénéfice du doute…
Les gros éleveurs, qui doublent ainsi leurs revenus, ne sont pas tenus par la loi d’appliquer les mesures de protection (chien de protection comme le patou + enclos de nuit si possible électrifié + gardiennage).
En Allemagne, les dédommagements ne sont attribués, après vérification, que si les moutons sont bien gardés… D’après les statistiques, la prédation sur les moutons est énorme dans notre pays : le taux de perte est de 22,5 % en France mais seulement de 1,3 % en Allemagne où les aides sont supprimées au bout d’un an si la protection n’est pas sérieuse.
Les troupeaux les plus attaqués sont ceux qui sont les moins gardés et les plus importants en nombre donc impossibles à protéger : 20% des élevages concentrent 60% des attaques… En effet la rentabilité économique du pastoralisme passe par l’augmentation du troupeau qui peut dépasser aujourd’hui 2 000 moutons, impactant la végétation et les sols par les piétinements.
Comme pour la ferme des 1 000 vaches, la qualité est sacrifiée à la quantité, l’écologie à l’économie. L’éleveur ne peut pas toujours payer un berger (ou tout simplement demander l’aide de l’Etat qui aide abondamment) et il considère parfois le dédommagement comme une subvention pour accepter la présence du loup… Ce qui ne l’empêche pas, souvent, de réclamer en même temps son éradication. Or un ouvrier, dont l’usine ferme pour la même raison de non-compétitivité face à l’étranger, ne peut pas crier au loup ! Cette difficulté à lutter contre la concurrence étrangère dans l’élevage ovin a toujours existé et bien avant le retour du loup. Pourquoi l’agneau congelé de n’importe quel supermarché vient-il non de France mais de Nouvelle-Zélande où la main d’œuvre est chère ? Parce que les herbages sont si vastes et si riches que le métier de berger n’y existe pas. Aussi et surtout parce qu’en 1985, les services secrets français ont coulé le Rainbow-Warrior, qu’il nous a fallu dédommager Greenpeace et encore plus le pays, en réduisant les taxes d’importation de la viande de mouton qui n’empêchent plus son entrée chez nous…
Ces mesures nous coûtent des dizaines de millions d’€ chaque année, mais les élus n’envisagent pas de les réduire en cette période d’austérité. Il est vrai que les loups ne votent pas, qu’il est même électoralement payant de subventionner les éleveurs qui étaient déjà en crise avant son arrivée et sont, il faut cependant le comprendre, souvent angoissés, bien que de plus en plus comprennent comment se défendre du loup.
La France du dernier demi-siècle a subi une mutation sociologique avec l’inversion du rapport ruraux/citadins. Aujourd’hui c’est l’inverse avec les néo-ruraux qui ne sont pas d’accord avec les chasseurs et les ruraux traditionnels qui s’éloignent de l’agriculture-élevage traditionnels pour se lancer dans les circuits courts et le ‘bio’. Curiosité de notre représentation électorale, alors que les urbains sont aujourd’hui largement majoritaires, les ruraux sont surreprésentés dans les instances électives, en particulier au Sénat.
A défaut de trouver un remède à la déprise agricole, il est plus facile pour un élu de donner des autorisations d’abattage de loup, même si elles sont inefficaces. Un ‘Plan-loup’ est coordonné par le Ministère de la Transition Ecologique : les associations écologiques refusent dorénavant d’y participer car leur avis de modération n’est pas pris en compte. Ce plan consiste à éliminer les loups, même s’ils n’ont jamais attaqué un troupeau.
Or d’après les spécialistes américains du loup, l’abattage des leaders, qui connaissent les techniques de chasse du gibier sauvage, fait éclater la meute et oblige les isolés à se rabattre sur les animaux domestiques plus faciles à attraper… En outre, ce couple dominant était seul à se reproduire dans la meute : quand elle éclate, les isolés s’éparpillent jusqu’à plusieurs centaines de km pour trouver un conjoint et fonder une autre meute, ce qui est en cours chez nous à l’étonnement des médias…
Comment comprendre qu’à notre époque, le loup soit traité, non comme un problème de biologie ou de gestion de la faune mais comme un thème sociétal ou même une stratégie démagogique et électoraliste pour acheter la paix sociale et les votes ? Plutôt qu’un démon, c’est un bouc-émissaire et Boris Cyrulnik le nomme à juste titre ‘le juif des animaux’. C’est aussi un indicateur des malaises sociaux : son image mythique enflamme l’imagination et éteint la raison quand le peuple s’inquiète et que le pouvoir faiblit. Sous Louis XV, on se souvient de la Bête du Gévaudan dont il n’est pas du tout certain qu’il s’agissait d’un loup. Certains historiens ont noté que cet épisode trouble précède de 30 ans la Révolution Française. Souhaitons qu’il n’en soit pas de même aujourd’hui.
par
Pierre JOUVENTIN et François RAMADE
Vous avez récemment approuvé la demande des chasseurs et éleveurs qui proposent de recompter les loups, afin de réduire les attaques sur les moutons, estimant que les dénombrements officiels de l’Institut Français de la Biodiversité sous-estiment leur population. Or, dans le Plan-loup actuel, ce chiffre détermine le nombre à abattre par le service d’Etat spécialisé, 20% étant éliminés chaque année, soit -par dérogation- plus de 100 individus sur 650 d’une espèce protégée en Europe par les Conventions de Bonn et Berne dont la France est signataire…
Le personnel de l’IFB est pourtant réputé dans les milieux scientifiques et naturalistes pour son sérieux, n’en déplaise à leur supérieur Julien Denormandie, Ministre de l’Agriculture, qui a estimé le 21 octobre au Congrès des élus de montagne devant les syndicats d’éleveurs, tous d’accord pour une fois, que le loup est un problème de dénombrement… Sans doute l’élu rural Christian Hubaud est-il plus fiable que les chercheurs spécialisés en démo-écologie des grands prédateurs, lui qui -près du village où un loup braconné vient d’être pendu devant la Mairie – a estimé les loups français à 60.000, soit plus que le total de la population européenne ! En tout cas, le remède est radical : il suffit de corriger le compteur pour abattre plus de loups et acheter la paix sociale !
Nous comprenons les doléances des éleveurs mais notons aussi qu’ils sont indemnisés de leurs pertes par l’aide publique. Outre le remboursement des brebis tuées au double de leur valeur, l’Etat finance le matériel, le personnel (2500€/mois par berger) et les chiens de protection (300€ à l’achat, plus 652€/an pour l’entretien). Les sondages montrent que 80% de la population française souhaite la cohabitation avec le loup et c’est avec plaisir que cette écrasante majorité de citoyens dédommage ces attaques traumatisantes. Mais elle aimerait que ces indemnités ne soient attribuées que si le troupeau est bien gardé, ainsi que cela est contrôlé à l’étranger (alors qu’en France, la majorité des attaques sont étonnamment concentrées sur un quart des élevages). Or, d’après la Cour des Comptes, seules 15% des attaques dédommagées sont attribuées avec certitude au loup ! Avant le retour du loup en 1992, l’élevage ovin n’était déjà pas compétitif économiquement par rapport aux autres pays et les dizaines de milliers d’attaques annuelles de chiens errants sur les moutons étaient comptabilisées alors que curieusement, ces attaques de chiens errants semblent avoir instantanément disparu depuis que celles du loup sont indemnisées…
Rappelons qu’aucune attaque sur l’homme n’a été rapportée, que le loup est devenu à peu près impossible à observer tant il est méfiant et qu’il est donc autrement plus difficile à compter que les moutons. Aucun chiffre précis n’est en réalité possible par qui que ce soit, pas plus d’ailleurs que pour les 1 à 2 millions de sangliers pullulant dans notre pays et autrefois la proie favorite du loup… Le prédateur est présent aujourd’hui à toutes nos frontières et en augmentation partout, n’étant pas persécuté comme chez nous. Les pays à tradition pastorale comme l’Italie ou l’Espagne en ont interdit l’abattage alors qu’ils en comptent deux et quatre fois plus que nous. Leurs éleveurs estiment que c’est une gêne qui leur fait perdre du temps et de l’argent mais relativement facile à contrôler depuis toujours par le triptyque bergers-clôtures la nuit-chiens. Par contre, chez nous, il a fallu que les éleveurs réapprennent l’ancienne culture de la protection des troupeaux et en particulier la conduite délicate des patous.
Il faut savoir que les loups en meute sont inféodés à un territoire (de 200-300 km2 dans les Alpes) alors que les solitaires se déplacent sur des centaines de km traversant notre pays en quelques jours pour chercher un domaine de chasse et un conjoint afin de fonder une nouvelle meute. Or les scientifiques nord-américains ont démontré, en équipant d’émetteurs les rescapés des meutes décimées par les chasseurs, qu’elles éclatent lorsque le couple dominant est abattu… Les biologistes savent depuis un demi-siècle que ce couple est seul à se reproduire dans la bande, les autres participant seulement à la chasse et à l’élevage collectif des jeunes. Cette castration psychophysiologique des dominés cesse quand ils deviennent des solitaires erratiques, comme en ce moment en France… Les adultes expérimentés ayant été abattus, les survivants sont incapables de chasser les animaux sauvages difficiles à capturer et ils se rabattent sur des proies plus faciles les animaux domestiques… Bref, en abattant les dominants avec des carabines à longue portée équipées de lunettes de visée nocturne, on essaime les meutes et on pousse les survivants sur les moutons s’il faut en croire les seules données scientifiques connues ! Une étude comparant les différentes méthodes de protection des troupeaux contre les grands prédateurs vient de paraître dans Global ecology and conservation : elle conclut que la méthode létale est inefficace alors que la clôture électrique évite plus de 75% des attaques !
Bref, la gestion française du loup est un échec. De 2010 à 2020, le quota d’abattage est passé de 10 à 20% alors que les attaques ont fortement augmenté… Notre pays de paradoxes est à la fois celui qui dépense le plus pour protéger les moutons et celui qui compte le plus d’attaques : 25 moutons par loup et par an, 60.000€ dépensés par loup abattu… Chaque année, le Ministère de la transition écologique organise une consultation publique par internet pour fixer le prochain quota d’abattage. 80 à 90% des réponses demandent réduction de ce quota et, chaque année, il augmente : veut-on décourager les français de la démocratie ?
En définitive, il est pour les écologues inadmissible que notre pays s’avère incapable de protéger une espèce comme elle en a pris l’engagement au niveau international, et qui de plus ne soulève selon toute apparence aucune difficulté dans les pays voisins du nôtre qui ont opté pour la protection du loup et l’écotourisme, source de revenus complémentaire à l’élevage… Quand en France la gestion du loup consistera-t-elle non pas à en tuer le plus grand nombre, mais à réduire leurs attaques sur les moutons ?
Pierre Jouventin, Dr ès sciences, 40 ans Directeur de recherche au CNRS en écoéthologie, 13 ans Directeur de laboratoire CNRS d’écologie des animaux sauvages, auteur de « Le loup, ce mal-aimé qui nous ressemble » paru en 2021 chez humenSciences.
François Ramade, Professeur Honoraire d’Ecologie et de Zoologie à la Faculté des sciences d’Orsay (Université Paris-Saclay), est le seul français Membre d’Honneur français de l’Union Internationale de Conservation de la Nature (UICN), Président d’Honneur de la Société Nationale de Protection de la Nature (SNPN), auteur de 27 ouvrages d’écologie dont 5 traités généraux ou spécialisés, traduits au total en 9 langues.
Cet article vous a intéressé et vous souhaitez le relayer : utilisez les boutons de partage ci-dessous....